Pour une bouchée de chien

par Florence Turpault-Desroches

Dans ce restaurant de Canton, le chien est servi frit, dans une sauce aigre-douce. (Photo: Mathieu Dubois)

Pour une bouchée de chien

La cuisine chinoise fait souvent peur aux gourmets occidentaux les moins aventureux. Avant de quitter Montréal, j’avais moi-même certaines appréhensions sur ce que j’allais manger une fois dans l’empire du milieu, ayant maintes fois entendu dire que les Chinois mangeaient du chien, du chat ou des tortues. À ma grande surprise, ce n’est qu’il y a deux jours, après avoir parcouru le pays durant sept mois, que j’ai pu prendre entre mes baguettes mon tout premier morceau de viande canine.

Je me trouvais à dans un restaurant de Canton lorsque j’ai aperçu pour la première fois du chien sur le menu. Ne pouvant supporter l’idée d’aller en Chine sans manger ce plat exotique, j’ai croqué dans la chair blanche, recouverte d’une épaisse panure et trempée dans de la sauce aigre-douce. Après avoir fait la grimace en pensant au toutou que j’étais en train d’avaler, je me suis surprise à apprécier la viande, qui, frite de cette façon, goûtait un peu comme du poulet.

Plusieurs Occidentaux trouvent scandaleux de manger l’animal, de même que certains chinois du Nord, qui n’apprécient guère ce plat. Illégale à Hong-Kong, de même qu’à Taiwan, la cuisson du chien est, malgré ce qu’on pourrait croire, très rare en Chine. Plusieurs Chinois, particulièrement en ville, possède cet animal de compagnie et sa dégustation ne se fait que dans certaines régions du pays, majoritairement au sud, et au nord-est. Les chiens qui sont destinés à être mangés sont élevés, à la manière de nos cochons, nos vaches ou de nos poulets, pour ensuite être abattus. Seuls les bâtards sont utilisés pour la cuisine. Vous ne trouverez donc jamais de caniche, ni de labrador dans votre assiette.

Reconnus pour leur très grande valeur nutritive, les chiens sont populaires, notamment pour leurs vertus bénéfiques. Par exemple, la viande contribuerait à éviter les maladies du rein et de la rate. Elle est plus souvent dégustée l’hiver puisque selon les croyances chinoises, elle aiderait à réchauffer le sang. Le pénis de la bête serait également un aphrodisiaque.

Plat controversé

Les conditions d’élevages de même que les façons d’abattre l’animal ont souvent fait l’objet de controverses à travers le monde, notamment à l’approche des Jeux Olympiques. L’association française de protection des animaux «One Voice» a d’ailleurs récemment demandé à la Chine de fermer les restaurants du pays servant de la viande de chien. Loin de vouloir abolir cette spécialité culinaire, les dirigeants chinois ont néanmoins accepté de fermer ceux de Pékin, et ce uniquement durant les Jeux Olympiques, soit entre le 8 et le 24 août. C’est donc une plainte de plus formulée à l’égard de la Chine, qui se voit contraint de saboter une partie de sa culture culinaire pour plaire aux Occidentaux…

Même s’il est mangé en Chine depuis plus de 7000 ans, le chien demeure un plat exotique, consommé par une minorité d’habitants dans certaines régions seulement. Selon une enquête menée en 2004, près du trois quart des Chinois seraient d’ailleurs en faveur d’une loi pour la protection des animaux.